Furetière, Entrées du Dictionnaire universel sur la conservation et la restauration, 1690.

Entrées du Dictionnaire universel sur la conservation et la restauration[1]Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, 1690, t. 1-3. Sélectionné et transcrit par Marko Špikić.

Antoine Furetière

COMMEMORATION, s. f. Souvenir qu’on a de quelqu’un, ce qu’on fait en l’honneur de sa mémoire. Ce testateur a fait un beau legs à cette Eglise, à la charge de dire tant de Messes, de faire commémoration de lui dans les prières, je garde chèrement ce portrait en commémoration de notre ancienne amitié.

CONSERVATION, s. f. Soin de conserver. On doit préférer la conservation de l’honneur à celle des biens. Il est intervenu on ce procès pour la conservation de ses droits. Dès que l’un des membres est en péril, tous les autres concourent à sa conservation, sans avoir besoin des ordres de la raison, et de la volonté. 

CONSERVER, v. act. Ménager ; avoir soin d’une chose pour empêcher qu’elle se perde, ou ne se gâte. Nous avons tous un désir naturel de nous conserver.

COPIE, s. f. se dit aussi d’une transcription d’un acte en grosse, ou en forme, qu’on réduit en moindre volume pour le faire signifier à une partie, ou pour en garder un mémoire per devers foi. Cette copie a été prise sur l’original, collationnée à l’original. Les anciens titres ne sont qu’en forme de vidimus, de copies collationnées. Aujourd’hui les copies collationnées ne sont point de foi, si la collation n’en est faite ave la partie interférée. Les Huissiers sont obligés de laisser copie de tous les actes qu’ils signifient.

COPIE FIGURÉE, est une copie entièrement conforme à l’original ; et se dit particulièrement des tableaux, des desseins, et des ouvrages de littérature. Les moindres originaux sont plus estimez que les meilleures copies. Ce bâtiment n’est que la copie d’un autre qui est à Rome. Tous les Poètes ont voulu imiter Virgile, mais toutes ces copies sont demeurées bien au-dessous de l’original.

COPIER, signifie aussi, Imiter, et quelquefois, Dérober l’invention, le Livre, le travail d’autrui. La plus-part des Auteurs ne se sont que copier les uns les autres.

COPIER, signifie quelquefois, Contrefaire les manières, les gestes d’une personne, pour la rendre ridicule, sur tout quand elle a quelques affectations vicieuses.

FRACTURE, s. f. signifie aussi, Rupture, mais en d’autres occasions. Il y a une fracture à ce mur qui fait qu’il menace ruine. Les voleurs qui entrent en une maison par bris et fracture de portes, méritent la mort.

Les Médecins appellent proprement fracture la solution de continuité qui se fait en l’os, quand il est froissé, brisé par quelque cause externe.

FRAGMENT, subst. m. Petit morceau d’une chose rompue. Il ne se dit que de celles qui sont précieuses. Le Prêtre a grand soin de ramasser les fragments de l’Hostie qui sont sur le Corporal, les Antiquaires recherchent curieusement les fragments des inscriptions des statues, et autres monuments de l’antiquité.

FRAGMENT, se dit figurément des ouvrages de l’esprit. Il y a plusieurs grands Auteurs de l’antiquité dont nous n’avons que des fragments. Théophile nous a laissé un fragment d’une Histoire Comique qu’il n’a pas achevée.

LACUNE, subst. fem. Défaut du suite, interruption, vuide dans un livre. Il y a beaucoup de lacunes dans les anciens Auteurs, parcecque les manuscrits ont été pourris, effacez et déchirez. Beaucoup de Critiques ont taché de rétablir et de remplir les lacunes de Tite Live, de Pétrone.

Du latin lacuna, amas d’eau.

MEMOIRE, subst. fem. Puissance de l’âme qui conserve le souvenir des choses qu’on a veuës ou entendues. La partie du cerveau où on croit que réside la mémoire est artistement décrite et expliquée par Descartes et Gassendi. Les animaux ont de la mémoire, aussi-bien que les hommes. Les enfants ont bonne mémoire, et les vieillards en manquant. Là où le jugement abonde, la mémoire n’est pas si heureuse. Un grand spectacle imprime son image dans la mémoire, n’échappe guère de la mémoire

MEMOIRE, se dit aussi de la bonne ou mauvaise réputation qu’on laisse après foi. On fait le procès à la mémoire de ceux qui ont été tuez en duel, qui ont été homicides d’eux-mêmes. On purgé la mémoire de ceux qui ont été condamnez Innocemment. On brule les procès des grands criminels, pour abolir, pour effacer la mémoire de leur crime. Les Historiens épargnent ou noircissent, la mémoire des grands hommes, suivant leurs passions ou leurs intérêts. La mémoire des bons Princes est en bénédiction chez les peuples, celle des méchants en exécration. Quand on fait mention d’un Roy moderne, on dit d’heureuse mémoire de triomphante mémoire.

MEMOIRE, se dit aussi d’un monument qu’on élève pour conserver le souvenir de quelque personne, ou de quelque action signalée. On fait des épitaphes, des tombeaux en l’honneur, en mémoire, de quelqu’un. On a fait des recueils : des épitaphes, des vers, des éloges, faits en mémoire des gens illustres. Les arcs de triomphe, les médailles sont faites pour conserver la mémoire des grandes actions. Des Pyramides ont été dressée en vertu d’arrêts, de traittez ; pour un monument perpétuel de quelque insigne réparation, afin qu’il en fut mémoire à jamais.  

MONUMENT, s. m. Témoignage qui nous reste de quelque grande puissance, ou grandeur des siècles passez ; bâtiment élevé pour conserver la mémoire de quelque évènement. Les Pyramides d’Egypte, le Colissée, sont de beaux monumens de la grandeur, des Rois d’Egypte, de la République Romaine. La ville d’Athènes était si remplie d’anciens monumens, que Cicéron a dit, que par tout où l’on passait l’on marchait sur des histoires.

MONUMENT, se dit encore des témoignages qui nous restent dans les Histoires et chez les Auteurs des actions passées. Bien de grands bâtiments sont péris, dont il nous reste encore quelques monumens dans les livres. Les Auteurs ont laissé à la postérité d’éternels monumens de la gloire des Héros. Se faire un beau monument dans la mémoire des hommes.

MONUMENT, signifie encore le tombeau, et particulièrement en Poésie. Le corps du Sauveur fut mis dans un monument tout neuf. Les Conquérants eux-mêmes sont dans le monument.

RECONSTRUIRE, v. act. Construire de nouveau. Il coutera plus à faire réparer cette maison, qu’a la reconstruire tout à neuf.

RÉNOVATION, s. f. Renouvellement, rétablissement d’une chose en l’état où elle était autrefois. La rénovation du monde se fit après le Déluge. La rénovation des Loix, de la Discipline, se doit faire de tems en tems. Il n’a guerre d’usage que dans les phrases suivantes. La rénovation des vœux. La rénovation de l’homme intérieur par la grâce.

 Du Latin renovatio.

RÉPARATION, s. f. Action de réparer, rétablissement des choses qui se détruites ou détériorées, Reparatio, refectio, restitutio. Cet ouvrier fera occupé pendent plusieurs mois aux réparations de cette maison.

Ce mot désigne aussi l’ouvrage qu’il faut faire ou qu’on fait pour réparer une chose. Les réparations faites à cette maison ont tant couté ; celles qui restent à faire monteront à tant. Un gros décimateur est obligé de faire les réparations du chœur et cancel de l’Eglise : les paroissiens sont tenus de celles de la nef.

Les réparations viagères sont toutes les réparations d’entretènement, hors les quatre gros murs, les poutres, les couvertures entières, et les voutes : toutes celle qui sont pour l’entretien et l’usage présent de l’édifice. Ces réparations sont toujours à la charge de l’usufruiter. Il est juste que celui qui retire tout l’émolument d’une chose, supporte les charges qui servent à la faire jouir, et qui regardent sa commodité présente et actuelle, plutôt que la substance et la propriété de la chose.

RESTAURATION, s. f. Synonyme avec réparation, rétablissement. En architecture on le dit principalement des monumens publics. Les Juifs attendent encore une fois la restauration de leur temple. Il est plus usité au moral. La restauration des Lettres, des Sciences, des Loix, de l’ancienne discipline. Restitutio, restauratio, instauratio. Les Magistrats doivent travailler à la restauration des bonnes mœurs, des anciennes loix abolies. Travailler à la restauration de la foi Catholique, MAUC.

RESTAURATION, en termes d’Architecture, c’est la réfection de toutes les parties d’un bâtiment dégradé et dépéri par mal façon ou par succession de temps, en sorte qu’il est remis en sa première forme, et même augmenté considérablement, comme celle que le Roi Louis XIV a fait faire au vieux château de S. Germain en Laye bâti par François I. DAVILER. Il est évident par les plinthes des colonnes Corinthiennes du Panthéon, qui sont presqu’enterrées, que le pavement de ce Temple, n’est qu’une restauration faite du temps de Septime Sévère. ID. T. I, p. 354. Ce terme se dit aussi en Sculpture quand on répare dans une statue ce que l’injure des temps y a fait de dommage, ce qui en a été retranché, cassé, mutilé.

RESTAURER, v. a. Dans le sens propre et littéral, c’est réparer, rétablir, remettre en bon état, en vigueur. Restaurare, instaurare, reficere. Un malade restaure ses forces, sa santé par l’usage des bons aliments. Il y a des médicaments propres à restaurer l’estomac. Un homme après une longue diète est restauré par un bon repas. Si quelqu’un a froid, et qu’il s’approche d’un bon feu, il dira ce feu me restaure.

RESTAURER, en termes d’Architecture et de Sculpture ; c’est rétablir un bâtiment, ou remettre en son premier état une figure mutilée ; réparer ce qu’il y a de gâté, de rompu, ou de brisé. La plupart des statues antiques ont été restaurées, comme l’Hercule de Farnèse, le Faune de Borghèse à Rome, les Lutteurs de la galerie du Grand-Duc de Florence, la Vénus d’Arles qui est dans la galerie du Roi a Versailles : et ces restaurations n’ont été faites que par les plus habiles Sculpteurs. DAVILLERS. Le temple de la Concorde derrière le Capitole à Rome ayant été brulé dans un temps fort éloigné de celui où il avoit été bâti, et ayant des bases angulaires, différentes des autres, il semble qu’il ait été restauré du débris de plusieurs édifices.

En Peinture, on dit de même restaurer de vieux tableaux. On dit proverbialement à un mauvais payeur qui ne paye qu’une partie de ce qu’il doit, me voilà bien restauré.

On dit généralement de quelqu’un qui n’obtient qu’une foible récompense pour le dédommager d’une grande perte, le voilà bien restauré, pour dire, que le dédommagement n’est pas proportionné à la perte qu’il a faite.

RESTE, s. m. Ce qui demeure de quelque chose ; le surplus, les débris. Le reste d’une étoffe, le reste d’une somme d’argent. Reliquum, residuum, reliqua, reliquiae.

RESTITUER, v. act. Rétablir quelqu’un en la possession de ce qui lui appartient, lui rendre ce qu’on lui a pris, ou détenu injustement. Cet exilé a été rappelé, et restitué en toutes ses charges et dignités.

Restituer signifie aussi rétablir un passage d’un Auteur, corriger les fautes qui s’y sont glissées avec le temps, et par l’ignorance des Copistes. Emendare, purgare, corrigere. Scaliger, J. Lipse, Casaubon, Erasme, et autres Savants Critiques du siècle passé, ont restitué bien des passages dans nos Auteurs. Je n’aime pas ces gens doctes qui employant toute leur étude à restituer un endroit, dont la restitution n’est pas fort utile.

Les Antiquaires appellent Médailles restituées, celles que les Empereurs ont fait frapper pour renouveler la mémoire de leurs prédécesseurs. C’est pourquoi on trouve sur plusieurs Médailles ces lettres REST. Claude est le premier qui restitua certaines Médailles d’Auguste. Néron fit le même. Tite, à l’exemple de son père, en restitua de presque tous ses prédécesseurs ; mais Gallien, sans y mettre le REST. fit battre de nouvelles Médailles pour conserver ou renouveler la mémoire de la consécration de ses prédécesseurs qu’on avait mis au rang des Dieux. Ces Médailles ont toutes la même légende au revers : consecratio ; et ces revers n’ont que deux types différents, un autel sur lequel il y a du feu, et un aigle avec les ailes déployées. On les connait par le volume et par le métal qui n’est que billon. P. JOBERT.

RESTITUTION, s. f. Restitution d’un texte, d’un passage, en littérature, c’est le rétablissement d’un texte, d’un passage corrompu. Correctio, emendatio. La principale fonction d’un Commentateur, est la restitution du texte de son Auteur. La restitution de quelques passages obscurs fait toute la réputation de bien des Savants.

Restitution, se dit par les Médaillistes pour médaille restituée. Nummus restitutus. C’est une restitution de Claude. J’ai plusieurs restitutions de Gallien.

RUINE, s. f. Décadence d’un bâtiment, soit par la longueur du temps, soit par la négligence du possesseur, et faute d’être entretenu. Les vielles ruines sont belles à peindre dans un paysage. Les bâtiments tombent bientôt en ruine, si on ne répare les couvertures.

RUINE se dit aussi des matériaux et débris de la chose ruinée. Presque tous les habitants de Raguse furent ensevelis sous ses ruines par un tremblement de terre. Les Romains amoureux de leur liberté, se voulurent enterrer sous les ruines de la République. On prouve le dépôt par témoins, en cas de ruine, incendie, ou de naufrage.

RUINE, en termes de Guerre, se dit da la démolition des villes qu’on attaque par force, qu’on détruit à coups de canon et de bombes, et par des mines. La ville de Candie à été battue en ruine, entièrement démolie. Un fourneau fit sauter ce bastion, et les soldats qui étaient dessus périrent sous ses ruines.

RUINER, v. act. Détruite, désoler, abattre. Les Perses ont ruiné cent lieues de pays pour empêcher que les Turcs ne les vinssent attaquer. Les Conquérants ruinent, démolissent les villes qu’ils ne peuvent pas garder. Les Turcs ont ruiné Athènes, Lacédémone, et toutes les villes fameuses de la Grèce.

RUINEUX, RUINEUSE, adj. Qui menace ruine. Cette maison est ruineuse, il la faut étayer en attendant qu’on le rebastisse.

RUINEUX, se dit aussi au figuré, de ce qui cause du dommage. Cette entreprise est ruineuse, l’Architecte n’y trouve pas son compte. Cet emploi est ruineux, on y perd, au lieu d’y gagner. Il n’y a rien de plus ruineux que le jeu, que la débranche, tant pour le bien que pour la santé.

RUPTURE, s. f. Fracture. Action par laquelle une chose est rompue ; qualité ou état d’une chose rompue ou brisée. Voilà une rupture à ce mur, à cette clôture. Il y a une rupture à ce bras, à ce pourpoint. On a eu permission d’entrer en ce château per bris et ruptures de portes. Souvent il se fait des ruptures de veines par un grand effort, des ruptures ou descentes de boyau. Une rupture d’os, de membranes.

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Slika pri vrhu stranice : Portret Antoinea Furetièrea. https://alchetron.com/Antoine-Fureti%C3%A8re#antoine-furetire-69a1e0bf-f390-48d2-9205-b2b2c0b0552-resize-750.jpg

Slika 1: Naslovnica Furetièreova Dictionnaire universel, 1690. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3413126b.image

Slika 2: Johannes Host von Romberch, stranica iz knjige Congestorium artificiose memoriae 1533. https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/09/Johann_Romberch%2C_Congestorium_artificiose…_Wellcome_L0032259.jpg

Slika 3: Marinos Papadopoulos Vretos, Fotografija atenske Akropole, 1861. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Athens_1861.jpg

Slika 4: Gabriel, Adam i Nicholas Perret, Kolosej iz publikacije Veues des plus Beaux Lieux de France et d’Italie, Paris 1680. https://panteek.com/PerelleViews/pages/per8-151.htm

References

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1 Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, 1690, t. 1-3. Sélectionné et transcrit par Marko Špikić.